LucasArts : quand le pixel nous racontait des histoires (et des blagues)
Souviens-toi de ce sentiment unique : le bruit du lecteur de disquette qui travaille, l’odeur de la boîte de jeu fraîchement ouverte, et cette interface sobre, affichant une liste de verbes sous l’écran. C’était l’époque bénie où Lucasfilm Games, rapidement rebaptisé LucasArts, a redéfini l’aventure vidéoludique. Oubliez la frustration des morts instantanées (salut, Sierra !), ici, seule l’ingéniosité, l’humour absurde et l’exploration de mondes riches comptaient.
LucasArts, ce n’était pas qu’un simple éditeur ; c’était un label de qualité, un phare dans l’ère de l’ordinateur personnel. C’est l’endroit où Ron Gilbert, Tim Schafer, Dave Grossman et bien d’autres légendes ont perfectionné l’aventure graphique, donnant naissance au moteur culte SCUMM. Mais réduire LucasArts aux seuls Point & Click serait un crime. La compagnie a également réussi le pari fou de donner une véritable âme aux jeux tirés de la licence Star Wars, explorant la galaxie bien au-delà des films. Prêt pour un voyage dans le temps ? Accrochez-vous, car voici le panthéon, les dix titres qui ont fait de LucasArts une légende.
Le Panthéon des Légendes : Notre Top 10
1. The Secret of Monkey Island (1990)
C’est le jeu qui a lancé mille vocations et défini l’humour d’une génération. Incarnant l’inoubliable Guybrush Threepwood, ce pirate en herbe au cœur aussi gros que son inexpérience, on s’est pris à rêver de trésors, de poulets en caoutchouc à poulie et de duels d’insultes. Monkey Island n’était pas seulement drôle ; il était révolutionnaire, faisant du moteur le moteur SCUMM la Rolls-Royce de l’époque. C’est le classique indémodable, celui qui nous fait encore fredonner son thème musical. Si vous cherchez un point de départ pour l’ l’ère du Point and Click, il est là.
2. Day of the Tentacle (1993)
Suite indirecte de Maniac Mansion, ce titre est un chef-d’œuvre de comédie temporelle. Trois personnages (Bernard, Hoagie et Laverne) bloqués dans trois époques différentes doivent collaborer en s’échangeant des objets… par les toilettes ! L’abus de paradoxes et les graphismes cartoonesques, inspirés de Tex Avery, ont élevé le niveau d’exigence en matière de puzzle design. Le coup de génie ? Pouvoir jouer à Maniac Mansion en entier sur un ordinateur dans le jeu. Un bijou de l’ère des consoles 16 bits qui a transcendé le genre.
3. Grim Fandango (1998)
Passage à la 3D, changement d’ère. Tim Schafer nous plonge dans le Neuvième Monde, un univers inspiré du cinéma noir et du Jour des Morts mexicain, où les personnages sont des squelettes Art Déco. Incarner Manny Calavera, agent de voyage pour les âmes, fut une expérience viscérale et poétique. C’est le chant du cygne de l’aventure graphique classique LucasArts, un jeu sombre, mature et bouleversant, souvent cité comme l’un des meilleurs jeux jamais écrits.
4. Star Wars: Knights of the Old Republic (2003)
Si LucasArts a toujours été le gardien de la galaxie, il a délégué le développement de KOTOR à BioWare, mais l’édition était bien de la maison. Situé 4 000 ans avant les films, ce RPG colossal est l’étalon-or des jeux Star Wars. Choix moraux complexes, scénario époustouflant et un twist final légendaire : KOTOR a prouvé que la Force était aussi puissante dans un RPG occidental que dans n’importe quel simulateur de vol.
5. Monkey Island 2: LeChuck’s Revenge (1991)
Le second volet reprend la formule du premier et y ajoute une dimension épique, des graphismes en 256 couleurs et une ambition décuplée. L’antagoniste LeChuck est plus menaçant, et la quête du Big Whoop est une ode aux jeux de pirates les plus loufoques. Sa fin, toujours sujette à débat, en fait l’une des œuvres les plus discutées et chéries de la ludothèque.

6. Indiana Jones and the Fate of Atlantis (1992)
Après une adaptation cinématographique réussie (The Last Crusade), LucasArts nous offre une aventure totalement originale digne des meilleurs films d’Indy. Trois chemins différents pour arriver à Atlantide (Intelligence, Bagarre, Équipe), des dialogues savoureux et des énigmes palpitantes. C’est l’archéologie vidéoludique à son apogée, prouvant que même sans Harrison Ford à l’écran, le chapeau et le fouet du Dr. Jones restaient entre de bonnes mains.
7. Star Wars: TIE Fighter (1994)
Loin des aventures humoristiques, voici le côté obscur du génie LucasArts. Suite spirituelle de X-Wing, TIE Fighter vous mettait aux commandes des chasseurs de l’Empire, une perspective inédite et grisante. Simulation spatiale exigeante et immersive, il a défini le genre pour des années. C’est une pièce maîtresse des jeux Star Wars et une merveille technique.

8. Sam & Max Hit the Road (1993)
Le duo de flics indépendants (un chien et un lapin hyperactif) imaginé par Steve Purcell fut la source du jeu le plus drôle de son époque. Une chasse à l’homme loufoque à travers les attractions touristiques les plus kitsch de l’Amérique. L’interaction entre Sam et Max, pleine d’ironie et de réparties cinglantes, est un modèle d’écriture de dialogue pour le jeu vidéo. On vous met au défi de ne pas rire.
9. Full Throttle (1995)
Le premier jeu de Tim Schafer sans le SCUMM (il utilisait le moteur Lingo), mais avec le même esprit. On est Ben, chef d’un gang de motards pris dans une sombre histoire de meurtre et de motos. Ambiance Mad Max croisée avec une bande dessinée sombre, ce titre a marqué par son esthétique, ses cinématiques à couper le souffle et sa bande-son rock. Une aventure courte, mais intense et pleine de rage.
10. Star Wars: Dark Forces (1995)
Avant l’âge d’or des Jedi, il y eut Kyle Katarn. Dark Forces fut la réponse de LucasArts à l’onde de choc Doom. Bien plus qu’un simple clone, ce FPS ajoutait la verticalité, le saut et une ambition scénaristique qui manquait à ses concurrents. Il est le père de toute la saga Jedi Knight et l’un des premiers grands jeux de tir à la première personne à intégrer de manière significative l’univers de la galaxie lointaine, très lointaine.
L’Héritage d’un géant du pixel
LucasArts n’a jamais cherché à suivre les tendances ; il les a créées. Qu’il s’agisse de révolutionner les console retrogaming sur PC avec l’invention du Point & Click sans mort punitive, ou d’étendre l’univers de Star Wars bien au-delà des salles de cinéma, l’empreinte de la compagnie est indélébile.
Chaque jeu était un cours de maître en narration, en humour et en game design. Si ces titres sont toujours réédités et joués aujourd’hui, c’est parce qu’ils ne sont pas de simples reliques ; ce sont des œuvres d’art interactives dont la magie réside dans la finesse de l’écriture et l’intelligence des énigmes. Ce pan de l’histoire du jeu vidéo est la preuve que, parfois, un simple curseur et une bonne blague suffisent à créer des mondes inoubliables.

