Souviens-toi de cette excitation pure, gamin, quand tu tenais entre tes mains une cartouche tirée de ton film préféré. C’était la promesse de prolonger l’aventure, de devenir le héros que tu avais acclamé au cinéma.
Pour les gamers des années 80 et 90, l’annonce d’une adaptation sur NES, Mega Drive ou SNES était synonyme d’espoir. Un espoir souvent brisé, fracassé, lamentablement abandonné au fond du tiroir avec les manuels de jeux oubliés.
Le rétrogaming est rempli de classiques intemporels, mais il est aussi peuplé de ces spectres du passé : les pires adaptations de films en jeux vidéo.
Ces titres, souvent développés à la va-vite pour surfer sur la vague du box-office, sont devenus des légendes, non pas pour leur génie, mais pour leur nullité sidérante. On parle ici de gameplay brisé, de graphismes aussi carrés qu’un parpaing mal dessiné, et de bandes-son qui vous hantaient comme un cauchemar 8-bit. Prépare-toi à un voyage nostalgique, mais douloureux, à travers ces flops qui nous ont coûté nos économies de poche.
Le syndrôme E.T. et les adaptations cinématographiques de l’ère 8-bit
Il est impossible de parler des ratés du jeu vidéo sans mentionner le traumatisme fondateur : E.T. l’Extra-Terrestre sur Atari 2600 (1982). Bien qu’il soit à l’origine de la crise de 1983 et non pas une simple adaptation rétrogaming oubliable, ce jeu incarne à lui seul la philosophie du « cash grab » hollywoodien : sortir un produit injouable à Noël pour profiter d’une licence culte.
Cette erreur monumentale a fixé un standard de médiocrité que de nombreux éditeurs ont curieusement choisi d’imiter durant les décennies suivantes. Le modèle était simple : prendre un hit cinéma, confier le développement à une petite équipe avec un délai de quelques semaines, et empiler les millions. Résultat ? Des jeux qui transformaient une épopée spectaculaire en une succession d’écrans frustrants.
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La malédiction des grands classiques : quand l’icône devient un bide
Le drame, c’est que ces pires adaptations de films ont souvent touché des franchises que l’on adorait.
- Superman (Nintendo 64, 1999) :
Techniquement, c’est une adaptation de la série animée, mais son statut de bide colossal le place au sommet. Le jeu est tristement célèbre pour ses anneaux à traverser dans un Monde Ouvert vide et des décors brumeux. Le Kryptonien, censé être invincible, était ici aussi maniable qu’un chariot de supermarché sur glace. C’est l’exemple parfait d’un concept génial (voler en 3D) saboté par un développement bâclé.
- Street Fighter: The Movie (PlayStation / Saturn, 1995) :
Il s’agit d’un cycle infernal : un jeu adapté d’un film, lui-même adapté d’un jeu. Ce jeu de combat utilise les acteurs numérisés du film avec Jean-Claude Van Damme (JCVD), ce qui donnait un rendu visuel étrange, presque effrayant. Le gameplay, aux frappes molles et sans l’âme du classique de Capcom, était un supplice. Un flop qui a humilié la fierté du 16-bit.
- Batman Forever (Mega Drive / SNES, 1995) :
Le film de Joel Schumacher était déjà discutable, mais son adaptation vidéoludique fut une catastrophe totale. Développé par Acclaim, ce Beat ’em up tentait d’imiter Mortal Kombat en utilisant des sprites numérisés. Le problème ? Batman et Robin ressemblaient à des pantins désarticulés, les mouvements étaient rigides, et les gadgets (ce qui fait l’intérêt de Batman !) étaient quasi inutiles. Les joueurs rétro se rappellent encore le bruit des doigts se crispant sur le pad.
Les années 16-bit : de la déception Mega Drive et SNES
L’arrivée de la Mega Drive et de la Super Nintendo a promis des expériences plus fidèles, plus grandioses. Pourtant, le cauchemar des adaptations rapides a persisté, transformant nos films préférés en souffrances pixélisées.
Jurassic Park (Mega Drive / SNES, 1993) : Double peine
L’adaptation du chef-d’œuvre de Spielberg est un cas d’école : chaque console a eu droit à sa propre version, et aucune n’a vraiment convaincu. La version SNES était un Action-Aventure où l’on pouvait passer de l’équipe de sécurité à un Raptor.
Ambitieux, oui, mais truffé d’allers-retours fastidieux. La version Mega Drive, elle, était un jeu de plateforme en vue subjective (quand on jouait Grant). Les niveaux étaient confus, l’objectif flou, et la difficulté, bien qu’emblématique des jeux rétro, frôlait l’injustice. On aurait préféré être mangé par le T-Rex que de devoir refaire un niveau pour la dixième fois.
Waterworld (Virtual Boy, 1995) : Un naufrage annoncé
Difficile d’adapter un film qui fut déjà un échec commercial retentissant. Pour le Virtual Boy, console elle-même maudite par son insuccès et son inconfort visuel, Waterworld fut l’un de ses derniers clous dans le cercueil.
Déjà que le film avec Kevin Costner n’avait pas passionné les foules, le jeu, dans le rouge et noir de la machine de Nintendo, était une succession de séquences de Shoot’em up aquatiques sans saveur ni fun. C’est l’un de ces flops rétro qui est resté dans l’ombre, heureusement pour le peu de gamers qui ont eu le malheur de posséder cette console.
Les ingrédients d’un désastre vidéoludique
Pourquoi ces adaptations de films rataient-elles si souvent ? La réponse est un cocktail amer d’impératifs commerciaux et de contraintes techniques :
- Le Temps de Développement: Les studios de jeux recevaient la licence après le tournage, souvent avec moins d’un an (voire six mois !) pour livrer le jeu à temps pour la sortie en salle ou en VHS. Impossible de créer un jeu vidéo de qualité dans ces conditions.
- Le Cahier des Charges: Les développeurs étaient forcés de coller au scénario du film, quitte à créer des niveaux illogiques ou des mécaniques de jeu inadaptées (comme ces phases de course à pied en vue de côté interminables).
- L’Inadéquation des Genres: Vouloir forcer un film d’horreur psychologique en un jeu de plateforme simpliste, par exemple, était une recette assurée pour l’échec.
Les exceptions : quand une adaptation a sauvé l’honneur
Heureusement, quelques lueurs d’espoir existent pour prouver que ce n’était pas une malédiction :
- GoldenEye 007 (Nintendo 64, 1997) : L’exception qui confirme la règle. Développé par Rare, ce First-Person Shooter (FPS) a transformé un film de 1995 en un classique intemporel qui a révolutionné le genre sur console. Un gameplay précis, un mode multijoueur légendaire… Bref, un bijou 64-bit.
- Aladdin (Mega Drive, 1993) : Une prouesse technique pour l’époque. Les animations fluides, la fidélité artistique et le niveau de level design en font un des meilleurs jeux de la 16-bit de Sega, prouvant que Disney, quand il y mettait les moyens, pouvait accoucher d’un jeu aussi magique que le dessin animé.
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Le legs amer des pires adaptations
En conclusion, ces pires adaptations de films en jeux vidéo sont bien plus que de simples mauvais jeux. Elles représentent une période du rétrogaming où l’argent primait sur l’art, où le pixel était sacrifié sur l’autel du marketing.
Elles nous rappellent que le passage d’un média à l’autre est un art délicat, qui demande respect, temps et créativité. Mais, curieusement, on les aime aussi pour ce qu’elles sont : des morceaux d’histoire, des symboles de notre enfance et des sujets de conversation hilarants entre joueurs. Qui n’a jamais maudit les contrôles de E.T. ou la caméra capricieuse de Superman 64 ?
Ces flops rétro font partie de notre culture. Ils sont le prix que nous avons payé pour les chefs-d’œuvre que nous avons chéris. La prochaine fois que vous croiserez une de ces cartouches maudites, ne la fuyez pas. Soufflez dessus, insérez-la, et rappelez-vous que même les plus grands bides font la légende du jeu vidéo.

